Le télétravail est un mode d’organisation du travail qui permet aux salariés d’exercer leur activité en dehors des locaux de l’entreprise, grâce aux technologies numériques.
L’employeur doit respecter plusieurs obligations lorsqu’il autorise le télétravail :
1️⃣ Respecter le volontariat du salarié : sauf en cas de force majeure, le télétravail ne peut pas être imposé unilatéralement.
2️⃣ Fournir un cadre juridique clair : via un accord collectif, une charte ou un avenant au contrat de travail.
3️⃣ Garantir la santé et la sécurité du salarié :
Vérifier les conditions de travail à domicile,
Former les salariés aux risques liés au travail isolé et à l’ergonomie.
4️⃣ Respecter le droit à la déconnexion : éviter les sollicitations en dehors des horaires de travail habituels.
5️⃣ Garantir l’égalité de traitement entre télétravailleurs et salariés en présentiel (accès aux primes, évolution professionnelle, formation).
Voyons comment et pourquoi encadrer le télétravail :
1. Mise en place du télétravail :comment et pourquoi encadrer le télétravail
La mise en place du télétravail repose sur un cadre juridique précis qui permet aux employeurs d’organiser le travail à distance tout en respectant les obligations légales. Le télétravail peut être instauré de manière collective ou individuelle, et dans certains cas, il peut être imposé temporairement pour des raisons exceptionnelles.
A. Mise en place via un accord collectif ou une charte interne
1. Accord collectif
L’employeur peut négocier un accord collectif avec les organisations syndicales représentatives ou, en leur absence, avec les représentants du personnel. Cet accord permet d’encadrer précisément :
Les catégories de postes éligibles au télétravail (exemple : les fonctions administratives, les ingénieurs informatiques, etc.).
Les modalités d’acceptation ou de refus du télétravail.
L’organisation du temps de travail et le contrôle du respect des horaires.
La prise en charge des frais liés au télétravail.
Les modalités de suspension ou d’arrêt du télétravail.
📌 Avantage : Un accord collectif offre un cadre clair, réduit les risques juridiques et favorise l’équité entre les salariés.
2. Charte interne de l’employeur
L’employeur peut également décider de mettre en place une charte sur le télétravail après consultation du Comité Social et Économique (CSE). Cette charte doit obligatoirement préciser :
Les conditions d’accès au télétravail.
Les modalités de contrôle du temps de travail.
Les droits des salariés en matière de sécurité des données et de protection de la vie privée.
Le droit à la déconnexion.
📌 À noter : Contrairement à l’accord collectif, la charte est unilatérale et ne nécessite pas d’accord des organisations syndicales.
✅ Référence légale : Article L. 1222-9 du Code du travail➡ Si le télétravail est encadré par un accord collectif ou une charte, il n’est pas nécessaire d’ajouter un avenant au contrat de travail.
B. Mise en place via un contrat de travail ou un avenant
Si le télétravail est accordé à un salarié de manière individuelle, sans accord collectif ni charte, il doit être formalisé par un avenant au contrat de travail.
1. Cas où un avenant est requis
L’avenant est nécessaire lorsque :
Le télétravail est accordé au cas par cas, sans cadre collectif formalisé.
Le télétravail implique une modification substantielle du contrat (exemple : passage à 100 % en télétravail).
Il est utilisé comme mode de travail principal.
2. Contenu recommandé de l’avenant
L’avenant doit mentionner :
La fréquence du télétravail (nombre de jours par semaine/mois).
Les horaires de travail et plages de disponibilité.
Les outils fournis par l’entreprise (ordinateur, téléphone, VPN, etc.).
La prise en charge des coûts (internet, électricité, mobilier ergonomique).
Les conditions de retour en présentiel.
📌 À noter :➡ Si le télétravail est occasionnel, une simple validation par email peut suffire (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-15.385).➡ L’employeur ne peut pas imposer unilatéralement un passage au télétravail sans accord du salarié, sauf en cas de force majeure.
C. Mise en place du télétravail en situation exceptionnelle
Le télétravail peut être mis en place de manière imposée et temporaire en raison de circonstances exceptionnelles.
1. En cas de force majeure
L’article L. 1222-11 du Code du travail prévoit que le télétravail peut être imposé à un salarié sans son accord :
En cas de pandémie (ex. : Covid-19).
En cas de catastrophe naturelle rendant l’accès aux locaux impossible.
En cas de menace grave sur la santé ou la sécurité des salariés.
📌 Conséquences pour l’employeur
Il n’a pas besoin de modifier le contrat de travail.
Il doit fournir le matériel nécessaire aux salariés.
Il doit veiller à la sécurité des données et des connexions utilisées à distance.
2. Exemples jurisprudentiels
Covid-19 : L’État a imposé le télétravail comme règle par défaut, obligeant les employeurs à le mettre en place sans négociation préalable.
Intempéries : Lors de conditions météorologiques extrêmes (ex. : neige empêchant le transport), des entreprises ont pu recourir au télétravail temporaire.
2. Contenu d’un accord ou d’une charte sur le télétravail : Encadrement juridique et bonnes pratiques
Un accord collectif ou une charte interne sur le télétravail vise à formaliser les conditions de mise en œuvre de cette organisation du travail, en garantissant la sécurité juridique pour l’employeur et en assurant l’équité entre les salariés.
L’objectif est de définir un cadre précis, qui couvre à la fois les droits et obligations des salariés, les modalités pratiques du télétravail, ainsi que les responsabilités de l’employeur.
A. Conditions d’éligibilité au télétravail
L’accord ou la charte doit préciser qui peut bénéficier du télétravail et selon quels critères.
1. Définition des postes éligibles
Certains postes sont plus adaptés au télétravail que d’autres. L’accord doit donc préciser les catégories de postes concernés, par exemple :
Fonctions administratives et support (RH, comptabilité, marketing…).
Métiers du numérique (développeurs, analystes…).
Activités nécessitant un accès à distance aux outils de l’entreprise.
Inversement, certains postes peuvent être exclus, notamment :
Les postes nécessitant une présence physique (accueil, production, maintenance…).
Les fonctions impliquant l’utilisation d’outils ou de documents non transportables.
2. Critères d’éligibilité des salariés
Outre la nature du poste, l’accord peut poser des conditions d’accès au télétravail :
Ancienneté minimale (ex. : 6 mois après l’embauche).
Aptitude à l’autonomie et à la gestion du temps.
Absence de mesures disciplinaires récentes.
B. Modalités d’acceptation et de refus du télétravail
L’accord ou la charte doit encadrer :
Le processus de demande de télétravail par le salarié.
Le droit de refus de l’employeur, avec ou sans justification.
Les cas où le télétravail peut être imposé (ex. : pandémie, urgence sanitaire).
1. Demande du salarié
L’accord peut prévoir que :
Le salarié adresse une demande écrite à son manager ou RH.
Une évaluation de faisabilité est menée (compatibilité du poste, autonomie…).
L’employeur donne une réponse motivée sous X jours.
2. Refus du télétravail
L’employeur peut refuser le télétravail, mais doit justifier sa décision si :
Le poste n’est pas compatible.
Le salarié n’est pas autonome ou a des antécédents disciplinaires.
Des besoins organisationnels exigent une présence physique.
⚠️ Jurisprudence : Un refus non justifié peut être considéré comme abusif, notamment si le salarié remplit toutes les conditions prévues par l’accord collectif.
C. Organisation du travail en télétravail
L’accord ou la charte doit garantir une organisation claire du travail à distance, notamment en matière de temps de travail et de suivi.
1. Détermination des horaires
Le salarié reste soumis aux horaires de travail légaux ou conventionnels.
L’accord peut fixer des plages horaires obligatoires de présence (ex. : 9h-12h et 14h-17h).
Des modalités de flexibilité peuvent être prévues (ex. horaires aménagés).
2. Charge de travail
Éviter la surcharge : les objectifs doivent être identiques à ceux du travail en présentiel.
Définition des modalités d’évaluation du travail réalisé.
3. Modalités de contrôle du temps de travail
L’accord peut préciser :
L’utilisation d’un logiciel de pointage ou d’un rapport d’activité.
La mise en place d’un suivi régulier par le manager.
L’interdiction des moyens de surveillance abusifs (caméra permanente, tracking…).
⚠️ Droit du travail : Le contrôle ne doit pas être excessif et doit respecter le droit à la vie privée du salarié.
D. Droit à la déconnexion
Le droit à la déconnexion est une protection essentielle contre le surtravail.
L’accord ou la charte doit prévoir :
Des plages horaires sans sollicitations (ex. pas d’emails après 19h).
Des mesures pour éviter les réunions tardives.
L’interdiction de sanctions en cas de non-réponse en dehors des horaires de travail.
⚠️ Jurisprudence : Une entreprise peut être condamnée si elle ne garantit pas ce droit et impose une connexion permanente en télétravail.
E. Matériel mis à disposition
Il est essentiel de clarifier les responsabilités quant aux équipements utilisés pour le télétravail.
L’accord peut prévoir :
Qui fournit le matériel : l’employeur peut fournir un ordinateur portable, une connexion sécurisée, un téléphone professionnel….
Utilisation du matériel personnel : si le salarié utilise son propre équipement, l’accord doit définir les conditions de sécurité et de prise en charge des coûts.
F. Prise en charge des coûts
Les frais liés au télétravail peuvent être pris en charge par l’employeur, selon l’accord collectif ou la charte.
Les coûts concernés sont :
Indemnité télétravail : un forfait mensuel peut être versé au salarié.
Frais internet et électricité : remboursement d’une partie des abonnements.
Mobilier ergonomique : certains accords prévoient la prise en charge de chaises ou bureaux adaptés.
📌 Référence légale : L’URSSAF admet une exonération de charges pour les remboursements de frais liés au télétravail.
G. Sécurité des données et confidentialité
Le télétravail implique des risques accrus de cybersécurité.
L’accord ou la charte doit préciser :
Les règles de sécurité informatique (VPN, interdiction de stockage sur des clés USB personnelles…).
L’utilisation de connexions sécurisées pour éviter les cyberattaques.
L’interdiction d’utiliser le matériel professionnel à des fins personnelles.
📌 Risque en cas de non-respect : L’entreprise peut être sanctionnée en cas de fuite de données due à un manque de protection des systèmes d’information.
H. Conditions de retour en entreprise
Le télétravail n’est pas toujours permanent. L’accord ou la charte doit préciser les conditions dans lesquelles un salarié peut revenir en présentiel.
Retour volontaire : un salarié peut demander à revenir au bureau sous réserve d’un préavis (ex. : 1 mois).
Retour imposé par l’employeur : l’accord doit prévoir un délai de prévenance raisonnable (ex. : 2 mois).
Cas particuliers : nécessité de revenir en cas de modification des missions ou des besoins de l’entreprise.
⚠️ Précaution : Un retour imposé sans préavis peut être contesté aux prud’hommes s’il constitue une modification brutale du contrat de travail.
📌 Conclusion
Un accord collectif ou une charte bien rédigée est indispensable pour : ✔ Encadrer clairement le télétravail et éviter les litiges.✔ Assurer l’équilibre entre flexibilité et contrôle.✔ Protéger les salariés tout en garantissant les obligations légales de l’employeur.
💡 Recommandation : Mettre en place un accord collectif pour une meilleure sécurité juridique, en concertation avec les représentants du personnel.
3. Points de vigilance pour éviter les contentieux
🚨 Les principaux risques juridiques liés au télétravail :
Refus abusif du télétravail : l’employeur doit justifier son refus s’il est appliqué à une demande légitime (ex. salarié en situation de handicap).
Surveillance abusive : toute surveillance du salarié doit être proportionnée et conforme au RGPD.
Non-respect du droit à la déconnexion : des actions correctives peuvent être imposées en cas de sursollicitation des salariés.
Inégalité de traitement : un salarié en télétravail ne peut pas être désavantagé en termes de salaire ou d’évolution.
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