Le 23 novembre 2023, la Chambre 4-8b de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a rendu une décision marquante dans l'affaire opposant l'URSSAF PACA à l'Association [36] et la S.A. SA [44], enregistrée sous le numéro RG 22/04193.
Cette décision, initialement contestée par l'URSSAF, a acquis un caractère définitif suite au désistement de l'URSSAF de son pourvoi en cassation.
Ce désistement a été constaté par une ordonnance de la Cour de Cassation en date du 18 juillet 2024, rendant ainsi la décision de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence définitive Cass., 18 juill. 2024, n° 24-10.798.
Cet article se propose de revenir sur cette décision et tout particulièrement sur l'annulation de 25 mises en demeure du fait d'un paiement partiel en amont de leur émission.
Rappelons le contexte
La société [41] a été soumise à un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
À l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont adressé une lettre d'observations à la société le 30 septembre 2013. Cette lettre comportait 26 chefs de redressement et 5 observations pour l'avenir, exigeant la régularisation des cotisations pour chaque établissement concerné.
La société [41] a répondu aux observations par des courriers datés des 18 octobre, 5 novembre et 18 novembre 2013. Les inspecteurs ont répliqué par courrier le 25 novembre 2013.
Par 25 courriers datés des 16 et 17 décembre 2013, l'URSSAF PACA a mis en demeure la société [41] de payer les sommes redressées pour chacun de ses établissements.
La société [41] a saisi la commission de recours amiable par 25 courriers, tous datés du 20 décembre 2013. La commission a rendu ses décisions de rejet le 25 janvier 2017.
La société [41] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône par déclarations au greffe en date du 23 juin 2014.
Par jugement rendu le 17 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a partiellement fait droit aux contestations de la société [41], notamment en annulant certains chefs de redressement et en rejetant les exceptions de procédure de l'URSSAF.
Quelles sont les prétentions des parties ?
L'URSSAF PACA soutient que les mises en demeure précisent la nature, la cause et le montant des cotisations réclamées, ainsi que les périodes concernées, répondant ainsi aux exigences de l'article R.244-1 du Code de la sécurité sociale.
Elle argue que le délai entre les paiements partiels effectués par la société [41] et l'émission des mises en demeure était insuffisant pour permettre une actualisation des comptes par ses services comptables.
La société [41] affirme que les mises en demeure ne permettent pas de connaître l'étendue des obligations en raison de l'écart entre les montants indiqués et ceux préalablement notifiés, ainsi que de la non-prise en compte des paiements partiels effectués.
Elle argue que cette irrégularité rend les mises en demeure nulles et empêche l'URSSAF de réclamer les sommes correspondantes.
Quelle difficulté la Cour devait-elle trancher ?
Les mises en demeure doivent-elles prendre en compte les paiements partiels effectués par la société avant leur émission pour être considérées comme valides ?
L'absence de prise en compte des paiements partiels antérieurs rend-elle les mises en demeure irrégulières et nulles ?`
La décision
La Cour a examiné les 25 mises en demeure émises les 16 et 17 décembre 2013 par l'URSSAF PACA, constatant que celles-ci mentionnaient que les montants avaient été établis "compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu'au 12 décembre 2013".
La Cour a relevé que les paiements partiels de 365.960 euros effectués par la société [41] le 3 décembre 2013 n'avaient pas été intégrés dans les montants réclamés dans les mises en demeure.
L'URSSAF n'a pas contesté ce fait, mais a justifié cette omission par l'insuffisance de temps pour actualiser les comptes avant l'émission des mises en demeure.
La Cour a rejeté l'argument de l'URSSAF selon lequel elle n'aurait pas eu matériellement le temps de prendre en compte les paiements partiels avant l'émission des mises en demeure.
Elle a souligné que l'URSSAF avait la possibilité de choisir la date d'arrêt des comptes de manière à s'assurer que toutes les transactions soient prises en compte, et que le manque de temps ne pouvait justifier une telle omission.
La Cour a rappelé que l'article R.244-1 du Code de la sécurité sociale exige que les mises en demeure permettent au cotisant de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que les périodes concernées.
La Cour a conclu que l'absence de prise en compte des paiements partiels effectués avant l'émission des mises en demeure contrevient à ces exigences, rendant les mises en demeure irrégulières.
La Cour a estimé que la société [41] ne pouvait, en raison de cette omission, avoir une connaissance claire et précise de l'étendue de ses obligations envers l'URSSAF.
Cette situation a été jugée contraire aux principes de clarté et de sécurité juridique.
Le désistement de l'URSSAF
L'URSSAF PACA a estimé que les chances de succès en cassation étaient faibles, à juste titre selon nous.
La Cour de Cassation ne rejuge pas les faits mais vérifie la correcte application du droit. La décision de la Cour d'Appel reposant sur des bases solides en matière de droit de la sécurité sociale et de procédure, il est probable que la Cour aurait jugé ses arguments insuffisants pour justifier un renversement de la décision.
En cas de rejet du pourvoi, une confirmation de la décision par la Cour de Cassation aurait renforcé la jurisprudence contre l'URSSAF, créant un précédent favorable pour d'autres litiges similaires, qui, selon notre expérience, ne sont pas des cas isolés.
L'URSSAF craint-elle que les cotisants mettent en place de nouvelles stratégies procédurale ?
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